Ce Saint Louis de Jacques Le Goff, c'est la rencontre d'une des figures de proue du mouvement des Annales, traditionnellement hostile au culte de la biographie, avec la plus haute figure de l'histoire nationale, le personnage quasi mythologique du roi très chrétien, et même le seul canonisé des «trente rois qui ont fait la France».
Et pour faire bonne mesure, cette étude approfondie ne se veut - c'est ce qui fait sa puissante originalité - ni la «France de Saint Louis» ni «Saint Louis dans son temps», mais bien la recherche, modeste et ambitieuse, tenace et constamment recommencée, de l'homme, de l'individu, de son «moi», dans son mystère et sa complexité.
Qui fut Saint Louis ? Peut-on le connaître et, Joinville aidant, entrer dans son intimité ? Peut-on le saisir à travers toutes les couches et les formations de mémoires attachées à construire sa statue et son modèle ? Problème d'autant plus difficile que, la légende rejoignant pour une fois la réalité, l'enfant roi de douze ans semble avoir été dès le départ programmé, si l'on ose dire, pour être ce roi idéal et unique que l'histoire en a fait.
Cette somme tient ainsi le pari de fondre dans la même unité savante et passionnée le récit de la vie du roi et l'interrogation qui, pour l'historien, le double, l'habite et l'autorise : comment raconter cette vie, comment parler de Saint Louis, à ce point absorbé par son image qu'affleure la question provocatrice, «Saint Louis a-t-il existé ?».
Cet ouvrage veut être plus qu'un bilan, autre chose qu'un panorama.
Un diagnostic sur la situation de l'histoire, telle qu'en france du moins la pratiquent des historiens venus d'horizons divers et appartenant à des générations différentes, mais qui partagent - en dehors de toute école - un même esprit de recherche. un point de départ aussi pour les voies nouvelles de l'exploration historique. beaucoup s'y sont déjà engagés, quelques uns témoignent ici.
L'histoire en effet, comme les autres sciences de base, a connu depuis quelques années une profonde mutation.
De même que la linguistique ou les mathématiques vivantes sont celles que l'on appelle " modernes ", il y a une histoire " nouvelle ".
Sa nouveauté paraît avoir tenu à trois processus : de nouveaux problèmes ont remis en cause l'histoire elle-même ; de nouvelles approches ont enrichi et modifié les secteurs traditionnels de l'histoire ; de nouveaux objets enfin sont apparus dans le champ épistémologique de l'histoire.
A chacun de ces aspects est consacré un volume.