Nouvelle édition en 2009
"Me voici donc seul sur la terre, n'ayant plus de frère, de prochain, d'ami, de société que moi-même." Après le temps des Confessions vient celui des Rêveries, où Jean-Jacques retrouve la plénitude de soi et engage par l'écriture une réflexion sur l'introspection et les limites de la reconstitution du passé.
Quatre ans après le Discours sur les sciences et les arts (1750) qui le rend célèbre, Rousseau trouve l'occasion de développer les principes de sa philosophie avec le Discours sur l'inégalité. Il s'y révèle le porte-parole des humiliés et des offensés, l'interprète de ceux que l'ordre social, à Genève comme en France, condamne à vivre en situation d'étrangers. S'adressant à tous les individus, le philosophe vise l'universel et dessine dans ces écrits l'image de l'homme intégral.Polémique, raisonnement, érudition, imagination : tout s'assemble dans une ferveur intellectuelle sans égale, faisant de ce texte le point de départ de la réflexion moderne sur la nature de la société.
Collection « Classiques » dirigée par Michel Zink et Michel Jarrety Jean-Jacques Rousseau Rêveries du promeneur solitaire Lorsqu'il commence à écrire les Rêveries à l'automne 1776, Rousseau est un vieil homme proche de la mort, presque pauvre, célèbre dans toute l'Europe et pourtant assuré que l'espèce humaine le rejette. Il continue cependant d'écrire et les Rêveries sont à ses yeux la suite des Confessions. Mais il ne s'agit plus désormais de raconter sa vie ni de s'expliquer aux autres pour dévoiler sa vraie nature. Dans une solitude propice à l'introspection, si des souvenirs épars remontent maintenant à sa mémoire, c'est pour lui-même qu'il les consigne en même temps qu'il cherche à se mieux connaître et réfléchir plus largement sur les ressorts de notre esprit humain.
Mais ces méditations sont aussi des promenades où la rêverie devient expansion de l'être, où le contact avec la nature est source de bonheur dans la pure conscience d'exister. Une nouvelle manière d'écrire s'inaugure donc, un libre parcours sans effort que la ligne mélodieuse d'une prose souvent poétique rend admirablement sensible. Ces Rêveries que Rousseau nous laisse lorsqu'il meurt à Ermenonville en juillet 1778, il se peut ainsi qu'elles ne nous soient pas adressées : elles nous sont en tout cas destinées.
Edition de Michèle Crogiez.
«J'ai vu les moeurs de mon temps, et j'ai publié ces lettres» : c'est par ces mots que l'«éditeur» Rousseau ouvre La Nouvelle Héloïse, correspondance amoureuse entre Julie d'Étange et son précepteur Saint-Preux. Sur les rives du lac Léman, ces «belles âmes» forment une petite société idéale, où priment les passions douces et la sincérité du sentiment, à l'écart des maux de la civilisation.Dans la lignée des Lettres persanes de Montesquieu, Rousseau conçoit son oeuvre comme un laboratoire d'idées nouvelles, qui concentre les questionnements de son époque sur l'homme et ses passions. Roman d'amour, chant élégiaque, mais aussi fiction expérimentale au croisement de l'anthropologie et de la politique : La Nouvelle Héloïse, plus grand succès de librairie de son temps, consacre avec éclat les noces du roman et de la philosophie au XVIIIe siècle.Cette édition inclut les Sujets d'estampes, l'Entretien sur les romans, les Observations de Rousseau sur les retranchements voulus par Malesherbes et Les Amours de Milord Édouard Bomston.
Ces six premiers livres sont le récit de formation du jeune Jean-Jacques, orphelin de mère et fils d'un modeste horloger genevois.
Nous retrouvons ici les scènes fameuses que Rousseau a choisies pour nous donner à lire sa nature véritable : la fessée de Mlle Lambercier, le ruban volé, la rencontre avec Mme de Warens, mère et maîtresse tout ensemble... D'aveu en aveu, de découverte en découverte, l'écrivain se peint comme il se voit et comme il veut que nous le voyions. Dans Les Confessions, qui paraissent en 1782, quatre ans après la mort de leur auteur, un territoire tout personnel s'invente où, à l'écriture de l'aveu, viennent se mêler la fantaisie du romancier, le souvenir des vieux mémoires d'aristocrates, sans oublier le goût du siècle pour les romans-mémoires : "Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple", écrit Rousseau, et ce qu'il inaugure en effet, c'est un genre littéraire nouveau, celui de l'autobiographie, dont le mot même n'apparaîtra que cinquante ans plus tard.
Rousseau ne voulait pas qu'un portrait de lui figure en tête de ses Oeuvres. Son vrai portrait, le seul qui ne mentirait pas, c'est en lisant ses Confessions qu'on l'aurait sous les yeux:«Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature; et cet homme, ce sera moi.» Mais quelle identité assigner à ce moi qui déclare:«Je suis autre»? Autre que tous les autres, et pourtant leur semblable. Perpétuellement autre que soi, et pourtant toujours même. «Bizarre et singulier assemblage» d'identifications multiples où Narcisse et Caton, Alceste et Céladon, Mentor et le petit Jésus, Socrate et la cigale, Orphée et la fourmi, le rat des villes, celui des champs, le berger extravagant, l'agneau immaculé et le bouc émissaire tiennent tour à tour le devant de la scène, sans nuire pour autant à l'unité d'action, «tant tout se tient, tout est un dans mon caractère». Au lecteur d'en juger.
Collection « Classiques » dirigée par Michel Zink et Michel Jarrety Jean-Jacques Rousseau La Nouvelle Héloïse Un jeune précepteur, Saint-Preux, tombe amoureux de son élève, mais leur passion est rapidement contrariée par le père de Julie, qui impose à sa fille d'épouser M. de Wolmar. D'abord désespéré au point de songer au suicide, Saint-Preux voyage, puis revient bien plus tard à Clarens, sur les bords du Léman, auprès de M. et Mme de Wolmar et de leurs enfants dont il devient le précepteur. Comme celui de Julie, son amour passé semble dominé - mais il va resurgir.
Dès sa publication en 1761, La Nouvelle Héloïse rencontre un immense succès - et c'est une oeuvre inaugurale. Si bien des sujets abordés par les personnages donnent à ce roman épistolaire une tonalité philosophique, c'est également le récit d'un certain bonheur familial, d'une vie harmonieuse et tranquille dont Julie est le centre. Mais c'est surtout un grand roman d'amour où des êtres de papier vibrent comme s'ils étaient de chair, et où la passion sensuelle de Julie et de Saint-Preux s'avère dévastatrice : leur histoire est aussi celle de la fragilité des âmes fortes.
Edition de Jean M. Goulemot.
On connaît Rousseau comme l'auteur d'un seul roman, «La Nouvelle Héloïse», son chef-d'oeuvre de presque mille pages ; on sait moins qu'il pratiqua à plusieurs reprises la forme brève du conte et de la nouvelle, explorant une variété de situations et de modalités d'écriture. On présente ici trois de ces brefs récits, qui livrent un échantillon du savoir-faire littéraire d'un philosophe fasciné par le « pays des chimères », ce monde qui filtrait son rapport au réel.
Comment reconnaître les différentes parties d'une fleur ? Qu'est-ce qu'une Scrofulaire ? À quelle famille de plantes appartient la Ciguë ? Comment réaliser un herbier dans les règles de l'art ? Dans ces huit lettres à l'érudition teintée de poésie, Rousseau nous invite à examiner la nature et se fait le «décodeur amusé» d'un monde végétal foisonnant et mystérieux. «Il n'y a rien de compliqué ni de difficile à suivre dans ce que j'ai à vous proposer. Il ne s'agit que d'avoir la patience de commencer par le commencement.»
«Dans le double deuil d'une mère morte à sa naissance et de Genève, sa cité natale abandonnée à 24 ans, Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) a révélé à l'Europe, offusquée et éblouie, un style sans précédent où la rigueur de la réflexion théorique va de pair avec un engagement pathétique dans l'écriture et où la mise en cause de la culture passe par le déploiement de tous les prestiges du langage et de la musique. La Révolution et les romantismes se réclameront de cette oeuvre inquiète et exigeante.» Michel Delon.
«Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont l'exécution n'aura point d'imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme ce sera moi.»Dans ces quatre premiers livres de ses Confessions, Rousseau raconte sa jeunesse, de sa naissance (1712) jusqu'à l'âge de 19 ans (1731). Il y retrace son enfance difficile à Genève - lui, le fils d'un modeste horloger, orphelin de mère - et sa fuite pour échapper à son milieu ; ses voyages ; enfin sa rencontre providentielle avec Mme de Warens, une femme plus âgée dont il tombe immédiatement amoureux. Ce sera pour lui une nouvelle naissance, et l'entrée dans l'âge adulte.Plus de trente ans après, Rousseau se penche sur Jean-Jacques. Il raconte ses chagrins d'enfant, ses joies d'adolescent, avoue ses petits larcins («j'ai donc été fripon»), revit ses premiers émois amoureux, replonge dans sa découverte éblouie de la lecture, qui le sauve de l'ennui («je ne choisissais point : je lisais tout avec une égale avidité»). Il fait, en somme, le bilan de son apprentissage de la vie. Dans cette extraordinaire quête d'une identité, véritable roman des origines, Rousseau se raconte, Rousseau se réinvente.
Rien ne prédestinait Saint-Preux, jeune homme d'origine modeste, à tomber amoureux de Julie, la jeune fille noble dont il est le précepteur. Pourtant, leurs sentiments sont réciproques et leurs échanges incandescents. Mais il faudra se taire et se cacher. Car Julie doit se marier et oublier son premier amour : les conventions de la société ne permettent pas une telle liaison. Faut-il résister ou céder à ses passions ? Jusqu'où peut mener la fidélité ? Roman épistolaire de l'exaltation des sentiments, des méditations philosophiques et des évocations poétiques, La Nouvelle Héloïse (1761) emmène son lecteur des rives du lac Léman jusqu'aux sommets alpins. À l'instar du mythe d'Héloïse et Abélard, l'histoire de l'amour impossible entre Julie et Saint-Preux révèle ce que notre coeur a de plus vertueux. Les lettres poignantes de cette liaison insensée forment le plus grand roman sentimental du XVIII? siècle.
Rien ne prédestinait Saint-Preux, jeune homme d'origine modeste, à tomber amoureux de Julie, la jeune fille noble dont il est le précepteur. Pourtant, leurs sentiments sont réciproques et leurs échanges incandescents. Mais il faudra se taire et se cacher. Car Julie doit se marier et oublier son premier amour : les conventions de la société ne permettent pas une telle liaison. Faut-il résister ou céder à ses passions ? Jusqu'où peut mener la fidélité ? Roman épistolaire de l'exaltation des sentiments, des méditations philosophiques et des évocations poétiques, La Nouvelle Héloïse (1761) emmène son lecteur des rives du lac Léman jusqu'aux sommets alpins. À l'instar du mythe d'Héloïse et Abélard, l'histoire de l'amour impossible entre Julie et Saint-Preux révèle ce que notre coeur a de plus vertueux. Les lettres poignantes de cette liaison insensée forment le plus grand roman sentimental du XVIII? siècle.
Solitaire désormais détaché du monde, le Rousseau de ces six derniers livres est toujours en quête de son Moi, mais un autre combat le mobilise aussi : comme les éditions pirates de ses livres ont forgé à ses yeux une fausse idée de sa personne, c'est à se réhabiliter qu'il vise ici, dans une tentative désespérée pour dessiner et imposer sa vraie figure.
Face à ses ennemis tapis dans l'ombre, il se met à nu pour ne pas jouer leur jeu, et, pour leur échapper, se montre tel qu'il est. Alors que, dans la première partie des Confessions, il s'attachait à mieux se comprendre et se donner à comprendre par une série de scènes emblématiques, ce qui se découvre ici, c'est l'écrivain qui se croit persécuté, l'homme traqué qui ne trouve la paix que parmi les fleurs des champs, l'éternel expulsé qui s'ouvre à la légende.
Et s'il va vers la mort, c'est dans la recherche de l'harmonie qui se puisse établir entre une image de soi constamment haute et les misères de son destin.
Rousseau ne voulait pas qu'un portrait de lui figure en tête de ses Oeuvres. Son vrai portrait, le seul qui ne mentirait pas, c'est en lisant ses Confessions qu'on l'aurait sous les yeux : "Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera moi". Mais quelle identité assigner à ce moi qui déclare : "Je suis autre" ? Autre que tous les autres, et pourtant leur semblable. Perpétuellement autre que soi, et pourtant toujours même. "Bizarre et singulier assemblage" d'identifications multiples où Narcisse et Caton, Alceste et Céladon, Mentor et le petit Jésus, Socrate et la cigale, Orphée et la fourmi, le rat des villes, celui des champs, le berger extravagant, l'agneau immaculé et le bouc émissaire tiennent tour à tour le devant de la scène, sans nuire pour autant à l'unité d'action, "tant tout se tient, tout est un dans mon caractère". Au lecteur d'en juger.
Le tome II des Oeuvres complètes de Jean-Jacques Rousseau contient l'essentiel de la partie proprement littéraire de ses écrits : La Nouvelle Héloïse, le théâtre et de nombreux essais en divers genres publiés d'après les éditions originales ou d'après les manuscrits, dont quelques-uns étaient inconnus jusqu'ici. Le texte de La Nouvelle Héloïse apparaîtra singulièrement rajeuni et vivifié par le commentaire continu qu'en fait le doyen Bernard Guyon, de la Faculté des Lettres d'Aix-Marseille ; après avoir étudié, dans son introduction, la genèse du roman, il analyse pas à pas les thèmes qui en forment le contrepoint. M. Jacques Scherer, professeur d'histoire du théâtre à la Sorbonne, situe pour la première fois à leur vraie place les multiples tentatives, dans l'ordre de la littérature dramatique, du contempteur des spectacles que fut Jean-Jacques Rousseau. Enfin, M. Charly Guyot, professeur à l'Université de Neuchâtel, présente les contes, apologues, ballets, pastorales, pièces de vers, etc. Des «Notices bibliographiques», du même type que celles du tome l, complètent cet ensemble de textes, qui n'avaient jamais été réunis jusqu'à présent en un seul volume.
Rousseau Discours sur les sciences et les arts En 1749, l'Académie de Dijon met au concours la question suivante : Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les moeurs. Alors qu'il va rendre visite à Diderot prisonnier à Vincennes, Rousseau feuillette le Mercure de France qui publie la question : « Si jamais quelque chose a ressemblé à une inspiration subite, écrira-t-il plus tard, c'est le mouvement qui se fit en moi à cette lecture ; tout à coup, je me sens l'esprit ébloui de mille lumières ; des foules d'idées vives s'y présentèrent à la fois avec une force et une confusion qui me jeta dans un trouble inexprimable. » A la question posée, il répond par la négative et l'Académie couronne son Discours qui connaît un succès foudroyant. Voilà Rousseau célèbre - et aussi attaqué. Mais Voltaire a beau dire que « Jean-Jacques n'est qu'un malheureux charlatan qui, ayant volé une petite bouteille d'élixir, l'a répandu dans un tonneau de vinaigre », une force insoupçonnée et sincèrement rebelle apparaît dans ce Premier Discours, une pensée novatrice qui sonne juste et résiste aux sarcasmes. Et la lumière que Rousseau jette sur l'homme et sur le lien social va contribuer à remettre en cause une certaine idée du progrès.
Edition de Jacques Berchtold.
L'année 1757 est celle de la grande passion de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) pour la comtesse d'Houdetot. Élisabeth Sophie Françoise de Bellegarde (1730-1813) avait épousé en 1748 le comte d'Houdetot, dont elle eut trois enfants. Mais c'est auprès du marquis de Saint- Lambert (1707-1803) qu'elle trouva l'amour. Elle inspira à Rousseau le personnage de Julie de La Nouvelle Héloïse , rédigé entre l'été de 1756 et septembre 1758. Ne pouvant être pour la jeune femme qu'un ami et un ami un peu encombrant, Rousseau compense son échec en imaginant une situation où il retrouve un beau rôle : le « berger extravagant » se fait professeur de vertu.
Il rédige, en même temps qu'il compose La Nouvelle Héloïse, six lettres à la comtesse d'Houdetot - qu'il ne lui adressera finalement jamais. Si Rousseau cherche à dépasser sa frustration de son amour, il tient à lui demeurer lié et à lui léguer un peu de sa sagesse :
« L'objet de la vie humaine est la félicité de l'homme, mais qui de nous sait comment on y parvient ? [...] L'étude que je vous propose ne donne point un savoir de parade qu'on puisse étaler aux yeux d'autrui, mais elle remplit l'âme de tout ce qui fait le bonheur de l'homme. »
Toute sa vie, Rousseau a été hanté par le problème des rapports de l'homme avec la société. Pour connaître sa pensée politique et suivre son évolution, il faut remonter aux premières oeuvres de combat, le Discours sur les sciences et les arts, qui lui a valu une renommée subite, le Discours sur l'origine de l'inégalité, sorte de cri de détresse en faveur de l'homme avili par la civilisation, le Discours sur l'économie politique, qui pose le problème de la reconstruction de la société sur des bases nouvelles. Ces oeuvres théoriques, qui culminent avec le Contrat social, sont suivies par les plans et projets de constitution que des patriotes de divers pays : Genève, Corse, Pologne, ont demandés a l'écrivain. Le tome III des Oeuvres complètes de Rousseau contient l'ensemble des écrits politiques du «citoyen de Genève».
« L'enfer du méchant est d'être réduit à vivre seul avec lui-même, mais c'est le paradis de l'homme de bien, et il n'y a pas pour lui de spectacle plus agréable que celui de sa propre conscience. » C'est dans cet état d'esprit, mais aussi pour justifier son choix de la « retraite » - si singulier pour les hommes des Lumières -, que Rousseau, en janvier 1762, rédige ces quatre lettres à Malesherbes. Premier texte autobiographique du citoyen ermite, « sommaire » des Confessions, ces lettres sont rarement éditées pour ellesmêmes : elles concentrent pourtant les grands thèmes de la pensée de Rousseau et constituent un excellent moyen d'aborder son oeuvre. Sainte-Beuve considérait qu'il n'avait « rien écrit de plus beau ».
Les écrits de Rousseau sur la musique étaient peu accessibles. Ils figurent intégralement dans ce volume, qui contient notamment le Dictionnaire de musique né des articles que commanda Diderot, pour l'Encyclopédie, à celui en qui l'on voyait alors, avant tout, un musicien. Rousseau, il est vrai, tablait sur cette facette de son talent pour se faire une place dans la société. Il comptait sans Rameau qui ne s'est pas privé de dire le mal qu'il pensait des Muses galantes. Terrassé, délesté de son honneur et de ses honoraires, Rousseau a fait de son contempteur l'incarnation d'une musique française lors de la querelle des Bouffons, il s'est employé à montrer que le système ramiste menait à un art de la non-communication. Or, «tout chant qui ne dit rien n'est rien». La musique est un langage, elle doit être l'art de l'expression vivante. Rousseau fonde sa pensée linguistique et musicale sur la nécessité de réconcilier la plénitude des origines et le savoir. Se profile alors le rêve d'un art régénéré : la poésie parle à l'esprit, la musique sollicite l'oreille, la peinture réjouit les yeux ; la réunion des trois renoue avec les premières fêtes, à l'époque de l'unité de la parole et de la mélodie. C'est à un chef-d'oeuvre de la civilisation, l'opéra, que Rousseau confie la mission de provoquer ce retour à l'origine, qui est aussi annulation du temps.
Rousseau ne voulait pas qu'un portrait de lui figure en tête de ses Oeuvres.
Son vrai portrait, le seul qui ne mentirait pas, c'est en lisant ses Confessions qu'on l'aurait sous les yeux : "Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera moi". Mais quelle identité assigner à ce moi qui déclare : "Je suis autre" ? Autre que tous les autres, et pourtant leur semblable. Perpétuellement autre que soi, et pourtant toujours même.
"Bizarre et singulier assemblage" d'identifications multiples où Narcisse et Caton, Alceste et Céladon, Mentor et le petit Jésus, Socrate et la cigale, Orphée et la fourmi, le rat des villes, celui des champs, le berger extravagant, l'agneau immaculé et le bouc émissaire tiennent tour à tour le devant de la scène, sans nuire pour autant à l'unité d'action, "tant tout se tient, tout est un dans mon caractère".
Au lecteur d'en juger.
Le rousseauisme a nui à la réception de la philosophie de Jean-Jacques, qui avait une conception de l´homme et de la société plus nuancée que celle que lui a prêtée la postérité. C´est ce que nous dévoile admirablement deux lettres méconnues du Genevois qui résument très efficacement sa philosophie politique avant qu´il n´écrive Du contrat social et L´Émile. En 1755, il expose à un naturaliste suisse qui a pour nom de plume Philopolis (Lettre à Philopolis) les principes de vertu que requiert de tous les hommes l´état social, laborieux, forcément laborieux collectivement. En 1757, dans une lettre oubliée (Lettre sur la vertu), il revient sur le passage de l´état de nature à l´état social, et la transformation de la bonté naturelle en un nécessaire rapport à autrui. La vertu et le souci du commun ont une place centrale. On est bien loin de l´idée réductrice propagée ensuite par l´individualisme : la société, c´est mal !