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Les Liens Qui Liberent
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Comme on nous parle ; l'emprise de la novlangue sur nos sociétés
Jean-paul Fitoussi
- Les Liens Qui Liberent
- 9 Septembre 2020
- 9791020908681
Nous sommes pris dans l'étau, sans réellement nous en apercevoir, d'une nouvelle langue. Langue qui par altération ou inversion du sens des mots impose insidieusement une pensée prédigérée et exclusive, à la manière de la novlangue de George Orwell dans «1984». Ce livre, plein de colère et même de fureur, est une enquête sur la novlangue d'aujourd'hui, à un moment où des faits d'une violence inouïe, nous rappellent à notre devoir d'expliquer dans une langue enfin vive et libre, pour ne pas devenir les jouets d'un destin que nous n'avons pas choisi.
« La façon dont on nous parle des problèmes économiques, sociaux et même politiques nous laisse peu de chances de comprendre ce que l'on veut nous dire. Et encore moins les phénomènes qui nous blessent.
L'invention d'une néo-novlangue est passée par là. Pourquoi nous répète-t-on à l'infini que le chômage est inadmissible pour finir par le laisser persister ? Pourquoi dit-on que le travail est notre avenir alors qu'on se garde, depuis longtemps, de le valoriser ? Pourquoi a-t-on, du moins en Europe, renoncé à utiliser tous les instruments de la politique économique pour se cantonner aux politiques dites structurelles, dont on finit par comprendre que leur objectif est de réduire la protection sociale ? Pourquoi accepte-t-on de voir croître démesurément les inégalités alors que l'on dit vouloir les combattre ?
La langue que nous utilisons, à force d'être contournée, a transformé la réalité à laquelle nous sommes confrontés, jusqu'au déni de la souffrance. Elle est davantage manipulée par la doctrine qu'elle ne s'en sert. Il faut, si l'on veut revenir à une vision moins irénique, ou fataliste, du monde, déconstruire la novlangue pour reconstruire un langage dans lequel chacun se reconnaisse. Ce n'est qu'à cette condition que l'on pourra vraiment agir sur le monde et sur le destin des populations.
Ce n'est qu'à cette condition que l'on pourra déjouer le piège politique que nous tend la novlangue et retrouver le chemin d'une démocratie moins fragile que celle qui nous enjoint à la résignation. »
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Le monde va. Et un grand malaise s'empare des populations. C'est qu'il va trop mal pour certains et trop bien pour d'autres, au point que ceux pour qui les dés de la destinée ont été extraordinairement favorables, proposent de renoncer à certains de leurs privilèges, craignant que l'ordre existant ne soit insoutenable.
Notre intelligence du monde semble se réduire comme peau de chagrin. Nous n'observons les faits qu'au travers la loupe déformante de la doctrine. Nous ne comprenons plus la société et la société ne comprend plus ses gouvernements faute de se reconnaître au miroir de la statistique publique. Nous résumons aujourd'hui la complexité du monde, et singulièrement en Europe, par un problème : celui des dettes publiques. Oubliant le passé, pourtant très récent, de la crise financière en même temps que le futur de la croissance, nous nous acharnons à le résoudre pour complaire aux agences de notation. Comme si l'austérité n'avait d'effet que sur le chiffre du déficit public, et aucun sur les inégalités, l'emploi, le chômage et l'investissement, c'est-à-dire sur la construction du futur. Alors que l'environnement, l'éducation, l'économie de la connaissance, le bien-être des populations sont de tous les discours, comment peut-on se résigner à de si faibles espérances ? Et pourtant, tous les partis politiques " sérieux " de la zone euro, de gauche comme de droite, s'accordent sur cette stratégie. On ne peut qu'en rester perplexe. Comment peut-on après la crise financière tenir les mêmes discours qu'avant ?
Ce livre tente d'expliquer pourquoi on en est arrivé là et quelles sont les clés d'un meilleur avenir. L'emprise de la doctrine qui nous conduit à un tel déni de réalité, est un premier élément de réponse. La constitution européenne, qui prend eau de toute part, en est un second. La lente régression de la démocratie qui nous a fait consentir à une croissance des inégalités pendant plus d'un quart de siècle en même temps qu'à l'installation d'un chômage de masse, explique aussi l'impasse dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.