Un jour, Denis, une petite gloire du milieu du rock, trouve un étrange message sur la boîte vocale de son téléphone : Tatiana, une fille avec qui « ça s'était mal terminé » trois ans plus tôt, lui révèle qu'elle a été enceinte de lui, qu'elle a avorté sans lui dire, et qu'il doit maintenant payer. La somme est dérisoire, mais cette brutale reconnaissance de dette bouleverse Denis, anti-héros qui, jusque-là, vivait en bons termes avec ses compromis. Michka Assayas brosse le portrait d'une génération immature, celle des quadragénaires qui n'ont jamais voulu grandir et qui laissent en héritage, sinon des mythes ou des légendes urbaines, le culte de l'argent et de la célébrité, et le mépris pour ceux qui n'ont ni l'un ni l'autre.
«Partout, les gens exhibaient leurs plaies mentales devant des inconnus. Ils exhibaient leur viol par leur père, leur homosexualité mal vécue à l'E.D.F., leur humiliation d'être trop gros, leur douleur de n'être pas remarqué, leur douleur d'être trop remarqué, leur stress après une victoire, leur stress après une défaite, leur harcèlement au travail, leur harcèlement au chômage. Tous exhibaient leur souffrance, tous faisaient pour ainsi dire la queue pour exhiber leur souffrance, parce qu'ils attendaient tous de l'exhibition de celle-ci une compensation à cette souffrance, l'exhibition constituant en somme le remède miracle, l'arme absolue contre la souffrance, un mal contre lequel l'argent et les loisirs organisés ne pouvaient rien, bien au contraire.»
« En novembre 2009, j'ai perdu mon passeport. J'ai déposé une demande pour en obtenir un nouveau. On m'a recalé. Dans la France d'aujourd'hui, être un Français né en France de parents français n'est pas une preuve de nationalité. Mes parents ont été naturalisés bien avant ma naissance, je n'ai jamais su au juste ni quand ni comment. Plus de soixante ans après, l'administration française prétend ne pas les connaître. Cela m'a révolté et aussi humilié. J'ai ressenti que c'est à eux que l'on reprochait, à travers moi, d'avoir commis une faute. Je croyais échapper à mes origines, elles m'ont rattrapé. J'ai été élevé en Ile-de-France par une vieille nounou hongroise, dans un monde cosmopolite qui n'existe plus. Si j'ai une identité, c'est celle-là. J'ai écrit ce livre pour célébrer ce continent englouti, dans ses éblouissements comme dans ses failles. »M. A.